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La semaine de la procédure civile

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
06/07/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la procédure civile.
Déclaration d’appel – caducité
« Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 juillet 2018), Monsieur Y  a interjeté appel le 8 novembre 2017 du jugement d'un tribunal d'instance ordonnant, sur la requête de Madame X, la saisie de ses rémunérations pour un certain montant.
Un avis de fixation de l'affaire à bref délai a été émis par le greffe le 6 décembre 2017.
Madame X  a soulevé, le 18 janvier 2018, la caducité de la déclaration d'appel faute pour Monsieur Y d'avoir, dans le délai de dix jours suivant l'avis de fixation, notifié la déclaration d'appel à l'avocat qu'elle avait constitué.
(…) Vu l'article 905-1 du Code de procédure civile et l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales :
Il résulte de ces textes que l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de la déclaration d'appel.
Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que la sanction de la caducité prévue à l'article 905-1 s'applique de manière identique selon que l'appelant procède par voie de signification de la déclaration d'appel ou par voie de simple notification entre avocats, de sorte que la caducité était encourue en l'espèce, à défaut de la notification à l'avocat de l'intimée de la déclaration d'appel, qui devait intervenir dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai, soit au plus tard le 16 décembre 2017
».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.336, P+B+I*

Exercice du droit d’appel – chefs critiqués de jugement
« Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 mars 2019), un jugement du 21 septembre 2017 a condamné la société Siloge à payer une certaine somme à la société Normafi et a débouté ces deux sociétés de leurs autres demandes.
La société Normafi ayant interjeté appel de cette décision, la société Siloge a soutenu que la cour d’appel n’était saisie d’aucune demande, faute pour l’appelante d’avoir indiqué dans la déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués.
(…) En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé.
Par ailleurs, la déclaration d'appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du Code de procédure civile.
Ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel.
Dès lors, la cour d’appel, ayant constaté que la déclaration d’appel se bornait à solliciter la réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumérait et que l’énumération ne comportait que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en a déduit à bon droit, sans dénaturer la déclaration d’appel et sans méconnaître les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’elle n’était saisie d’aucun chef du dispositif du jugement ».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.954, P+B+I*

Appel de l’ordonnance d’un juge commissaire – indivisibilité
« Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2018), un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société L’investisseur gestion (la société) et a désigné la société BTSG, prise en la personne de Monsieur X, en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Monsieur Y a déclaré une créance au passif de la procédure collective, qui a été contestée par la société.
La société a relevé appel de l’ordonnance d’un juge commissaire ayant admis cette créance.
(…) Il résulte des articles 552 et 553 du Code de procédure civile, qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance mais l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Par conséquent, l'appel étant, en application de l'article 900 du même code, formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, les parties que l'appelant a omis d'intimer sont appelées à l'instance par voie de déclaration d'appel.
Ayant constaté que la société avait relevé appel de l'ordonnance de vérification et d'admission des créances du juge commissaire sans intimer la société BTSG, ès qualités, qui était partie à cette procédure, et exactement retenu que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée par l'appelante à la société BTSG, ès qualités, n'avait pu entraîner une régularisation, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge commissaire, dans une matière où l'objet du litige est indivisible, était irrecevable.
».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14.855, P+B+I*


Saisie-attribution – comptable public
« Selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.603), l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Provence Alpes Côte d’Azur (l’URSSAF), est créancière de la société Aegitna Sécurité Services (Aegitna) à hauteur d’une somme de 3 639 856,38 euros en vertu de deux contraintes exécutoires des 25 août et 26 septembre 2011.
Le 14 novembre 2011, l’URSSAF a fait procéder à une saisie-attribution, entre les mains de l’Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp), des sommes dont cet établissement public national aurait été tenu envers la société Aegitna au titre d’un marché public de prestations d’accueil téléphonique et de gardiennage sur les sites de l’Ensosp, qu’il lui avait attribué le 7 juin 2011.
Par jugement du 17 octobre 2013, un juge de l’exécution a dit que le juge de l’exécution est compétent pour statuer sur la mesure de saisie-attribution réalisée entre les mains de l’Ensosp, tiers saisi, que la mesure notifiée à l’Ensosp le 14 novembre 2012 est régulière, a déclaré le juge de l’exécution incompétent pour statuer sur la validité de l’avenant au marché public attribué à la société Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo 13, renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, rejeté la demande d’indemnisation de l’URSSAF, rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qui lui incombe.
L’URSSAF a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance d’incident du 19 juin 2015, un conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent au profit de la cour administrative d’appel de Marseille.
Par arrêt sur déféré de l’URSSAF du 8 janvier 2016, une cour d’appel a infirmé cette ordonnance et statuant à nouveau, a déclaré l’exception d’incompétence recevable mais mal fondée et en a débouté l’Ensosp.
Par arrêt du 1er juillet 2016, la même cour d’appel a infirmé le jugement du 17 octobre 2013, en ce qu’il a dit que l’Ensosp avait respecté son obligation d’information, en ce qu’il a déclaré le juge de l’exécution incompétent pour statuer sur la validité de l’avenant portant transfert du marché public, renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de l’URSSAF et en ce qu’il a dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens. Statuant à nouveau sur ces chefs, elle a débouté l’URSSAF de sa demande de condamnation de l’Ensosp à lui payer les causes de la saisie dans la limite des sommes dues par elle à la société Aegitna jusqu’au 3 février 2012, condamné l’Ensosp à payer à l’URSSAF une somme équivalente de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article R. 211-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution et de 30 000 euros par application de l’article R. 211-9 du même code, débouté les parties de leurs demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné l’Ensosp aux dépens de première instance et d’appel avec distraction.
8. Par arrêt du 7 décembre 2017 (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.603) , la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu’il a infirmé le jugement du juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence en date du 17 octobre 2013 ayant déclaré le juge de l’exécution incompétent pour statuer sur la validité de l’avenant au marché public attribué à Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo, et renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif. Elle a remis, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la même cour d’appel autrement composée.
(…)  Vu l’article L. 211-3 du Code des procédures civiles d’exécution, l’article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l’article R. 211-4, alinéa 3, du Code des procédures civiles d’exécution, et l’article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l’article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
Aux termes du premier de ces textes, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Selon le deuxième, si le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l’huissier de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives, par dérogation à cet alinéa, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains du comptable public, celuici dispose dun délai de vingtquatre heures pour fournir à lhuissier de justice ces renseignements et lui communiquer les pièces justificatives.
Il résulte de ces dispositions et de l’application du principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable public, que seul ce dernier est habilité à fournir à l’huissier de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 du Code des procédures civiles d’exécution et à lui communiquer les pièces justificatives.
Pour rejeter la demande de condamnation de l’URSSAF au paiement des causes de la saisie-attribution en application de l’article R. 211-5 alinéa 1 du code des procédures civiles d’exécution et celle en paiement de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa du même texte, l’arrêt retient que les renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis par l’ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public et que, par conséquent, l’Ensosp avait bien satisfait, d’une part, à son obligation de renseignement le jour de la saisie en complétant et précisant ses déclarations le lendemain dans le délai légal de vingt-quatre heures, et d’autre part, à son obligation de communiquer les pièces justificatives.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14.379, P+B+I*
 
Déclaration d’appel – caducité
« Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2018), la société Areva et la société Orano cycle, anciennement dénommée Areva NC, ont relevé appel de l’ordonnance du juge de la mise en état d’un tribunal de grande instance, rendue le 6 février 2018, ayant dit ce tribunal compétent pour connaître du litige opposant ces sociétés à M. X..., la société Opérations et organisations spéciales (la société OPOS) et M. Y.... Sur l’application de l’article 688 du code de procédure civile
Le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. Y..., résidant au Mali, le 7 juin 2019. Il résulte des démarches que la société Areva et la société Orano cycle justifient avoir accomplies depuis lors auprès des autorités chargées de cette transmission, que ce mémoire n’a pas pu être remis à M. Y....
Un délai de six mois s’étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi.
(…) Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu’en ce cas, l’appelant doit saisir, dans le délai d’appel, le premier président de la cour d’appel en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe.
L’application de ces textes spécifiques à l’appel d’une ordonnance d’un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l’ensemble du dispositif, dont l’objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d’une procédure unique et rapide pour l’appel de tous les jugements statuant sur la compétence.
 L’application de ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l’appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé. En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’occurrence la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d’une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’accès au juge d’appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.
Dès lors, ayant relevé que les sociétés appelantes, qui ne se prévalaient d’aucun moyen pris d’un risque d’atteinte portée à leur droit à un procès équitable, ne s’étaient pas conformées à ces prescriptions, c’est à bon droit que la cour d’appel a prononcé la caducité de leur déclaration d’appel.
Le moyen n’est donc pas fondé ».
 Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-11.624, P+B+I*
 
Déclaration d’appel – caducité – RPVA
« Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2019), la société Mixcom a relevé appel de deux jugements d’un conseil de prud’hommes l’ayant condamnée, pour le premier, au profit de M. Y... et, pour le second, au profit de M. X.... Le premier appel a été enregistré sous le numéro RG 17/07222 et le second sous le numéro RG 17/07224. M. X... et M. Y... ont constitué le même avocat dans les deux affaires.
La société Mixcom a déféré à la cour d’appel une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d’appel dans l’affaire l’opposant à M. X..., faute de remise au greffe de ses conclusions avant l’expiration du délai de l’article 908 du code de procédure civile.
(…) Vu les articles 748-3, 908 et 930-1 du Code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel :
 L’appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d’appel, d’un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d’appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l’objet d’un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.
Pour prononcer la caducité de la déclaration d’appel formée par la société Mixcom, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société n’a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. X... avant le 16 janvier 2018, dès lors que la remise au greffe par RPVA, le 11 décembre 2017, des conclusions relatives à cette instance, dans le cadre d’une instance distincte concernant un autre salarié, inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 17/07222, dont elles portaient par erreur le numéro, ne pouvait suppléer l’absence de remise au greffe des conclusions de l’appelante ni valoir remise de ces conclusions dans le dossier numéro 17/07224.
 La cour d’appel retient également que le débat ne porte pas sur la portée de l’indication d’un numéro de répertoire erroné sur les conclusions mais sur le défaut d’accomplissement d’un acte de procédure, que faire valoir que les avocats des intimés étaient les mêmes revient à plaider l’absence de grief, laquelle est inopérante en matière de caducité, qui n’est pas subordonnée à l’existence d’un grief et que la communication par voie électronique repose sur la mise en commun des dossiers des parties entre le greffe et les avocats, chacun accomplissant les actes mis à sa charge par le Code de procédure civile, de sorte qu’aucun raisonnement par analogie avec l’ancien système « papier » ne peut être effectué.
La cour d’appel énonce enfin, par motifs adoptés, que la demande de jonction de ces instances était dénuée d’incidence faute de créer une procédure unique et qu’aucune erreur du greffe ni aucun dysfonctionnement du réseau n’est allégué.
En statuant ainsi, tout en constatant que la société Mixcom avait transmis au greffe de la cour d’appel, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration d’appel, des conclusions relatives à l’instance d’appel l’opposant à M. X..., par l’intermédiaire du RPVA, de sorte qu’elle était bien saisie de ces conclusions en dépit de l’indication d’un numéro de répertoire erroné, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés ».
 Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14.745, P+B+I*

Mesure d’instruction – juge territorialement compétent
« Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 18 juillet 2019), la société Deloitte, souhaitant céder sa participation au sein du groupe In Extenso, a organisé en juillet 2018 un appel d’offres auprès de divers acquéreurs potentiels, dont la société Fiducial et la banque Crédit agricole.
Suspectant des irrégularités dans la procédure d’appel d’offres qui a abouti au choix de la banque Crédit agricole, la société Fiducial a fait assigner devant le président du tribunal de commerce de Lyon la société Deloitte, dont le siège social est à Paris, afin que soit ordonnée, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction.
 La société Deloitte a soulevé une exception d’incompétence territoriale.
Par ordonnance du 24 avril 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon s’est déclaré incompétent.
La société Fiducial a interjeté appel de cette ordonnance
(…) Il résulte des articles 42, 46, 145 du Code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées.
8. Après avoir constaté que le siège social de la société Deloitte était situé à Paris, la cour d’appel a, d’abord, relevé que seul le point 8 de la mission sollicitée devant le président du tribunal de commerce de Lyon était susceptible d’être exécuté dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, les autres points pouvant l’être par l’expert au lieu qu’il choisit. Elle a, ensuite, retenu que l’audition par l’expert des directeurs de la société In Extenso n’avait pas à être effectuée nécessairement au siège social de cette société comme le demandait la requérante.
Elle a exactement déduit de ces constatations que le président du tribunal de commerce de Lyon était incompétent pour statuer sur la requête formée par la société Fiducial ».
 Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-21.012, P+B+I*
 
Signification d’un acte – notification
« Selon l’arrêt attaqué (Pau, 30 avril 2018), le 1er avril 2016, la société Cofidis a fait signifier à Mme X... un commandement à fin de saisie-vente sur le fondement d’un jugement d’un tribunal d’instance du 7 mai 2015.
Par jugement du 24 octobre 2016, un juge de l’exécution, saisi par Mme X... en nullité de ce commandement au motif de la nullité de la signification du titre exécutoire, a rejeté cette demande.
(…) Vu l’article 659 du Code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que la signification d’un acte selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas notification.
Pour confirmer le jugement rejetant la demande de nullité du commandement à fin de saisie-vente, l’arrêt retient que la signification est régulière dès lors que le jugement a été signifié à Mme X... le 6 octobre 2015 à Hendaye (64), selon les formes prévues à l’article 659 du code de procédure civile et qu’il est justifié de ce qu’un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé à Mme X....
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l’adresse à Hendaye était la dernière adresse connue de Mme X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
La demande de délais de paiement, que la cour d’appel a tranché dans son dispositif était une demande subsidiaire de Mme X... de sorte que la cassation sur le rejet de sa demande principale entraîne par voie de conséquence la cassation sur le chef de dispositif ayant statué sur sa demande subsidiaire ».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14.893, P+B+I*


Juge – refus de statuer
« Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Dreux, 31 août 2018), rendu en dernier ressort, une fuite du ballon d’eau chaude du logement loué par M. et Mme X... à l’OPH Habitat Drouais a eu lieu en mai 2015.
Par ordonnance du 22 Mars 2017, la juridiction de proximité de Dreux a enjoint à M. et Mme X... de payer la somme de 1 735 euros à la société Gedia, auprès de laquelle ils avaient conclu un contrat de fourniture d’eau.
M. et Mme X... ont formé opposition à cette injonction le 4 avril 2017 et ont fait assigner l’OPH Habitat Drouais afin d’obtenir sa condamnation à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.
(…) Vu l’article 4 du Code civil :
Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l’insuffisance des preuves fournies par une partie.
Pour rejeter la demande de condamnation de l’OPH Habitat Drouais, le jugement, après avoir retenu que la responsabilité de l’OPH Habitat Drouais doit être retenue au titre du dégât des eaux subi par les époux X... puis, dans un paragraphe sur la réparation du dommage, après avoir examiné les factures d’eau produites, retient qu’aucune des deux factures dont le montant est contesté par les époux X... ne couvre la période à laquelle a eu lieu le dégât des eaux en date du 4 mai 2015 de sorte qu’ils seront déboutés de leur demande de condamnation à l’égard de l’OPH Habitat Drouais, n’établissant pas la preuve de l’existence du préjudice lié au dégât des eaux, au titre d’une éventuelle surconsommation d’eau.
En statuant ainsi, en refusant d’évaluer le montant d’un dommage dont elle avait constaté l’existence en son principe, le tribunal a violé le texte susvisé
».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.100, P+B+I*

Saisine d’une cour d’appel territorialement incompétente – régularisation
« Selon l’arrêt attaqué, la société Corse de distribution (la société Socodi) a interjeté appel le 29 mars 2016 devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’un jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio dans le litige l’opposant à M. X....
Le 4 mai 2016, la société Socodi a interjeté un nouvel appel devant la cour d’appel de Bastia et s’est désistée le 14 juin 2018 de l’appel pendant devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui a constaté ce désistement par un arrêt du 29 juin 2018.
M. X... a soulevé l’irrecevabilité de l’appel formé devant la cour d’appel de Bastia.
(…) Vu les articles 126 et 546 du Code de procédure civile, et l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Il résulte de ces textes que la saisine d’une cour d’appel territorialement incompétente donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d’appel n’ait pas expiré.
La circonstance que le désistement de l’appel porté devant la juridiction incompétente n’était pas intervenu au jour où l’appel a été formé devant la cour d’appel territorialement compétente ne fait pas obstacle à la régularisation de l’appel.
Pour déclarer irrecevable l’appel interjeté le 4 mai 2016 devant la cour d’appel de Bastia, l’arrêt retient que l’appel formé devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence était encore pendant lorsque le second appel contre le même jugement a été interjeté devant la cour d’appel de Bastia, privant par là-même la société Socodi d’intérêt à agir.
En statuant ainsi, alors que le second appel avait été formé avant l’expiration du délai d’appel, la cour d’appel a violé les textes susvisés
».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14.086, P+B+I*
 
Demande d’aide juridictionnelle – délai d’appel
« Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 12 septembre 2017), M. X... a été condamné au paiement d’un certaine somme au profit de la société Pages jaunes, par un jugement signifié le 28 septembre 2015. 2. En vue de relever appel de ce jugement, M. X... a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle le 19 octobre 2015, qui lui a été accordé partiellement, à hauteur de 55 %, par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 14 janvier 2016. Saisi d’un recours contre cette admission partielle, le premier président de la cour d’appel, par une décision du 10 mai 2016, lui a accordé l’aide juridictionnelle à hauteur de 70 %.
Entre-temps, M. X... a formé un appel par un acte du 3 mars 2016. Le conseiller de la mise en état ayant déclaré cet appel irrecevable comme tardif, M. X... a déféré cette décision à la cour d’appel.
(…) Vu l’article 6, § 1, de Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Si, en vertu de l’article 38-1, alors applicable, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, la demande d’aide juridictionnelle n’interrompt pas le délai d’appel, le droit d’accès au juge exclut que ce délai puisse courir tant qu’il n’a pas été définitivement statué sur une demande d’aide juridictionnelle formée dans ce délai (CEDH, 9 octobre 2007, requête n° 9375/02, Saoud c. France ; CEDH, 6 octobre 2011, requête n° 52124/08, Staszkow c. France).
Pour déclarer irrecevable comme tardif l’appel de M. X..., l’arrêt retient, par motifs propres, que M. X... a déposé sa demande d’aide juridictionnelle pendant le délai d’appel et qu’il n’a été statué sur cette demande que le 14 janvier 2016, date à laquelle l’aide juridictionnelle partielle a été accordée au requérant, qu’indépendamment du recours formé contre cette décision par M. X..., la désignation d’un avocat pour lui prêter son concours est intervenue le 19 janvier 2016 et que ce n’est que le 3 mars 2016, soit plus d’un mois après, que la déclaration d’appel de M. X... a été reçue au greffe. L’arrêt retient en outre, par motifs adoptés, que M. X... a formalisé sa déclaration d’appel avant même de disposer de la décision statuant sur sa demande d’aide, ce qui démontre qu’il n’était pas tributaire de cette décision pour réaliser cet acte de procédure, et que l’article 38-1 précité suspend les délais pour conclure afin d’assurer au justiciable la réalité de son accès au juge d’appel.
En statuant ainsi, alors que M. X... avait formé un appel avant même qu’il ne soit définitivement statué sur sa demande d’aide juridictionnelle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-13.947, P+B+I*

Existence d’un préjudice en matière de tierce opposition – appréciation
« Selon l’arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 janvier 2019), le Groupement foncier agricole Bellevue-Darras (le GFA) a consenti à B... A... un bail rural à long terme expirant le 27 septembre 2007, portant sur une parcelle située sur le territoire de la commune de [...]. L’assemblée générale extraordinaire du GFA, réunie le 24 juin 2010, a décidé d’attribuer cette parcelle à M. C...
B... A... a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en nullité de cette décision, en invoquant l’absence de résiliation conventionnelle du bail et en sollicitant sa poursuite par M. X... et la SCEA Saba (la SCEA), constituée à cette fin. Il a été débouté de cette demande par un jugement du 11 mai 2012, confirmé en appel par un arrêt du 17 juin 2013.
Par ordonnance du 31 mars 2017, le juge des référés d’un tribunal de grande instance a ordonné l’expulsion de M. X... de la parcelle en cause. Ce dernier a interjeté appel de cette décision.
Le 27 mars 2017, M. X..., les consorts Y...-Z...-A..., héritiers de B... A..., décédé entre temps, et la SCEA ont assigné en tierce opposition le GFA devant la même cour d’appel, en lui demandant de rétracter l’arrêt rendu le 17 juin 2013. Les deux appels ont été joints.
(…) L’appréciation de l’existence d’un préjudice en matière de tierce opposition et de l’intérêt du demandeur à exercer cette voie de recours relève du pouvoir souverain des juges du fond.
C’est donc dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de l’intérêt à agir, et justifiant sa décision par ces seuls motifs au regard de l’article 583 du code de procédure civile, que la cour d’appel, après avoir relevé que M. X... ne démontrait pas l’existence d’un droit sur la parcelle en cause au jour où B... A... avait notifié au bailleur son intention de ne pas renouveler le bail à son terme, que l’exercice par ce dernier de son droit personnel de ne pas renouveler le bail n’ouvrait pas à M. X... un droit à en contester la validité du seul fait que cet acte serait de nature à contrecarrer ses projets, et que M. X... et la SCEA ne démontraient pas l’existence, à leur profit, d’une convention de bail précaire ou d’une cession opposable au bailleur, a jugé que la tierce opposition n’était pas recevable ».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-13.616, P+B+I*
 
Demande de désignation d’un nouvel expert – appréciation
« Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 14 mars 2019), M. Y... a été victime d’un accident de la circulation, impliquant le véhicule conduit par M. X..., assuré auprès de la société Filia-Maif.
Par ordonnance du 6 mars 2017, rectifiée le 13 mars 2017, le juge des référés d’un tribunal de grande instance a ordonné une mesure d’expertise médicale et a condamné in solidum M. X... et la société Filia-Maif à payer à M. Y... une certaine somme à titre de provision.
L’expert a déposé son rapport le 31 janvier 2018.
Contestant ce rapport sur certains points relatifs notamment à l’incidence professionnelle de l’accident, M. Y... a saisi le juge des référés d’un tribunal de grande instance afin de voir ordonner une nouvelle mesure d’expertise médicale judiciaire.
Par ordonnance du 22 juin 2018, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé et a débouté M. Y... de ses demandes.
M. Y... a interjeté appel de cette ordonnance.
(…) Vu l’article 145 du Code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que la demande de désignation d’un nouvel expert, motivée par l’insuffisance des diligences accomplies par l’expert précédemment commis en référé, relève de la seule appréciation du juge du fond.
Pour ordonner une nouvelle expertise médicale, l’arrêt, statuant en référé, retient que s’il n’est pas contesté que l’expert judiciaire a correctement exécuté la mission qui lui avait été confiée, les conclusions de son rapport n’en demeurent pas moins insuffisantes au regard des spécificités de la profession de M. Y... et de l’incidence professionnelle qui peut découler de ses séquelles, l’activité professionnelle de la victime, virtuose du trombone, nécessitant des gestes techniques très spécifiques, mobilisant son épaule avec un port de charge d’environ 6 kg plusieurs heures par jour.
L’arrêt retient encore qu’un médecin, a priori non doté de capacités techniques musicales particulières, ne saurait évaluer seul la spécificité de cette situation à sa juste mesure et que la mesure d’expertise ordonnée ne saurait s’analyser en une contre-expertise.
En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu les pouvoirs que le juge des référés tient de l’article 145 du Code de procédure civile ».
Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.501, P+B+I*


 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 6 août 2020
 
 
 
 
Source : Actualités du droit