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Détention provisoire : précisions sur le destinataire de la demande de mise en liberté

Pénal - Peines et droit pénitentiaire, Procédure pénale
10/06/2020
Dans un arrêt du 4 juin 2020, la Cour de cassation précise que le délai de vingt jours imposé ne peut être considéré comme dépassé lorsque c’est en raison de mentions incomplètes portant sur la juridiction destinataire que la demande de mise en liberté a été adressée au greffier de la juridiction saisie du dossier. 
Un homme est mis en examen le 18 septembre 2019 pour transport, détention, offre ou cession, acquisition sans autorisation administrative d’une substance ou plante classée comme stupéfiant, participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d’un ou plusieurs délits punis de dix ans d’emprisonnement. Il est placé en détention provisoire.
 
Le 28 janvier suivant, il fait une demande de mise en liberté, formalisée par le greffe de l’établissement pénitentiaire. Le détenu écrit un courrier en visant l’article 148-4 du Code de procédure pénale encadrant la saisine directe de la chambre de l’instruction, soutenant qu’il n’avait toujours pas été entendu par le juge. Il demande également sa comparution devant la chambre de l’instruction.
 
Le même jour, le greffe du juge d’instruction, désigné dans la déclaration comme destinataire, reçoit la demande. Il saisit le juge des libertés et de la détention, qui rejette le 3 février 2020, la demande de mise en liberté.
 
Un appel est interjeté par le détenu le 12 février contre cette ordonnance. Son conseil soutient que la demande a été transmise par erreur au juge d’instruction, non compétent pour la traiter, et qu’elle a été réceptionnée tardivement au greffe de la chambre, « au-delà du délai de vingt jours dont le point de départ devait être fixé au "31 janvier 2020" ». Elle n’a donc pas pu se prononcer dans ce délai.
 
La chambre de l’instruction décide alors de la mise en liberté de l’intéressé et son placement sous contrôle judiciaire. Elle estime que :
  • la demande, enregistrée au greffe de l’établissement pénitentiaire, « pourtant univoque », a été transmise par erreur au juge d’instruction alors que le mis en examen entendait saisir la chambre de l’instruction ;
  • les actes du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention, non régulièrement saisis, « doivent être considérés comme étant sans existence légale » ;
  • les articles 148 et 148-4 du Code de procédure pénale prévoient qu’en cas de saisine directe, la chambre de l’instruction doit se prononcer dans les vingt jours de sa saisine « faute de quoi la personne est mise d’office en liberté », condition non remplie en l’espèce, l’intéressé doit être remis en liberté.
 
Le procureur général forme un pourvoi en cassation. Il soutient que la demande a été transmise sans délai au greffier de la juridiction saisie du dossier, que la chambre de l’instruction aurait dû statuer sur la recevabilité et le fondement du recours contre l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté et enfin que la chambre « n’a pas tiré les conséquences de ses constatations selon lesquelles les actes émanant du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention étaient sans existence juridique ».
 
La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 juin 2020, décide de censurer l’arrêt. En effet, elle rappelle qu’il résulte des articles 148, 148-4 et 148-7 du Code de procédure pénale que le délai de vingt jours prévu ne peut être considéré comme dépassé « lorsque c’est en raison de mentions incomplètes quant à la juridiction destinataire que la demande de mise en liberté formée et signée par la personne mise en examen a été adressée au greffier de la juridiction saisie du dossier ».
 
En effet, la demande formalisée le 28 janvier 2020 a été faite au juge d’instruction et transmise aussitôt au greffe, il est donc régulièrement saisi. Les juges du second degré ne pouvaient considérer la chambre de l’instruction saisie et décider de la mise en liberté sur le non-respect du délai de vingt jours imposé pour se prononcer. La mention de l’article 148-4 du Code de procédure pénale portant sur la saisine directe de la chambre de l’instruction n’a donc pas d’influence sur la régularité de la saisine du juge d’instruction.
 
À noter que dans un arrêt du 8 août 2018 (Cass. crim., 8 août 2018, n° 18-83.518) la Cour de cassation était confrontée à une demande de mise en liberté,  avec la mention 148-4 dans le courrier, et portant l’indication de deux juridictions : le juge d’instruction avec le nom et une adresse et la chambre de l’instruction. Néanmoins la Cour décida que le courrier avait été valablement adressé à la juridiction visée, peu importe finalement la mention de l’article pour considérer la saisie de la chambre de l’instruction.
 
Et s’agissant de l’effet dévolutif de l’appel formé contre l’ordonnance rendue par le JLD, saisi par la juge d’instruction, la Haute juridiction dans son arrêt du 4 juin, précise que la chambre de l’instruction aurait dû « examiner le bien fondé de la détention provisoire de la personne mise en examen et de statuer sur la nécessité ou non du maintien de cette mesure au regard des énonciations de l’article 144 du Code de procédure pénale » et non se prononcer sur la valeur juridique des décisions du magistrat instructeur et du JLD.
 
La Haute juridiction retient alors que la chambre ne pouvait fonder sa décision de mise en liberté sur le constat du dépassement du délai de vingt jours, « faute pour elle d’avoir été saisie, dans les formes exigées par l’article 148-7 du Code de procédure pénale, d’une demande directe de mise en liberté ».

 
Source : Actualités du droit